« ITHAQUE » : A TROP VOULOIR EN DIRE, ON FINIT PAR LASSER

CRITIQUE. « ITHAQUE » (Notre Odyssée 1) – Inspiré d’Homère – Un spectacle de Christiane Jatahy – Theâtre National à Bruxelles jusqu’au 17 novembre 2018 – durée : 2 heures.

L’Odyssée d’Homère : Qui ne connaît cette œuvre majeure de la littérature mondiale qu’est l’Odyssée d’Homère ? Une épopée composée vers le milieu du VIIIe siècle av. JC, qui raconte le retour d’Ulysse (héros le plus célèbre de la mythologie grecque, notamment pour son intelligence et sa ruse) à Ithaque, à la fin de la longue guerre de Troie. Il veut retrouver sa femme Pénélope, mais au début de l’histoire il est retenu captif sur l’île de la nymphe Calypso (la nymphe vivant à Ogygie, une île lointaine, où personne ne va jamais, pas même les Dieux). Elle vit cachée, dans l’amour d’Ulysse à qui elle promet l’immortalité, la vraie. Ulysse, par contre, ne songe qu’à retrouver son épouse (qui s’est peut-être remariée) et son fils Télémaque (qui ne le reconnaîtra peut-être pas), si toutefois, ils sont encore en vie, après tant d’années.

Ulysse devra faire face à de nombreux périples durant son long voyage sur la mer où il errera pendant vingt ans, avant de pouvoir retrouver son foyer.

Pendant ce temps, chez lui, à Ithaque (sa terre natale) tout est saccage et destruction. Les prétendants, avides de pouvoir, sont nombreux à tourner autour de Pénélope, qui certaine du retour d’Ulysse, ne veut rien savoir.

La mise en scène de la brésilienne Christiane Jatahy : C’est à partir de ce chapitre de l’histoire, que la metteure en scène, Christiane Jatahy, va travailler sa libre interprétation d’Ithaque (Notre Odyssée I). Elle souhaite y parler « du monde d’aujourd’hui », notamment au Brésil où « la corruption et les coups violents portés à la démocratie sont aussi une sorte de dévoration que subit le pays », nous dit-elle. Jatahy veut parler de l’amour aussi, celui entre un homme et une femme, de la famille, mais également de la guerre, celle d’aujourd’hui. Pas seulement de « son actualité » poursuit-elle, mais également « des moyens et de manières de la raconter et de la penser, dans le but de l’éviter ». Elle veut aborder le thème de l’exil et celui des réfugiés naufragés des mers.

À cette fin, elle crée une mise en scène pour le moins particulière, plutôt originale où un rideau sépare la salle en deux. Les spectateurs sont donc divisés de part et d’autre de la salle et ne se voient pas. D’un côté, Ithaque, de l’autre, le chemin vers Ithaque. « Deux espace-temps ». Les comédiens passent d’une partie à l’autre et finiront par être rassemblés une fois le rideau levé, au centre de l’eau. L’eau est d’ailleurs très présente dans ce spectacle. La référence à la mer y étant pour beaucoup. Les dialogues sont à la fois en français et en brésilien (origine des trois comédiennes). Les trois femmes et les trois hommes, jouent le même rôle et se mêlent les uns aux autres durant tout le spectacle. Ils se filment en direct. La pièce commence par une fête qui semble plutôt tourner mal où chips, cacahuètes et eau sont distribués au public. Entre cris, disputes, le public est pris à parti durant deux heures par la représentation dont certaines parties sont tirées en longueur, brouillées par trop d’informations simultanées et le capharnaüm sur scène.

L’idée de Christiane Jatahy a une certaine touche d’originalité (deux scènes, interaction avec le public, bilinguisme, décor), part d’un bon principe et la mise en scène est impactante, mais à trop vouloir en dire on plonge dans la confusion. Malgré certaines belles performances des comédien/ne/s, notamment de Stella Rabello, le public reste perdu.

À la fin du spectacle, j’interroge le public (trois générations confondues) : les plus jeunes (ados), malgré une brève analyse dans leur milieu scolaire de l’Odyssée d’Homère, ils n’ont rien compris et se sont ennuyés (ou ont déconnectés) pensant la pièce créée pour « les grands » (pensent-ils) ; la deuxième génération reste sceptique et se demande quoi penser ; la troisième trouve dommage de faire de l’Odyssée une telle adaptation qui finit par lasser, et dans laquelle le message n’est pas passé malgré l’effort.

Malgré tout, on sent un grand travail derrière ce spectacle qu’il faut saluer sans aucun doute. À voir ? À vous de voir.

Julia Garlito Y Romo

Note sur Christiane Jatahy : metteure en scène (plusieurs spectacles à son actif), actrice, dramaturge et cinéaste brésilienne, elle dirige Vertice de teatro et vit à Rio de Janeiro. Passionnée par le cinéma, elle va préférer cet art à une carrière d’écrivain. Mais pas seulement puisque qu’elle aime mixer l’univers du cinéma à celui du théâtre. Prix « Premio Shell de Teatro » en 2012 pour la mise en scène de « Julia” et en 2015 pour la meilleure mise en scène pour « What if they went to Moscow » (Prix de la meilleure interprétion de Stella Rabello).

Comédiens : Karim Bel Kacem ; Julia Bernat ; Cédric Eeckhout ; Stella Rabello ; Matthieu Sampeur ; Isabel Teixeira. Dramaturgie, scénographie, réalisation : Christiane Jatahy. Réalisation décor : atelier de construction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe

Lire un avis contradictoire sur la pièce ICI

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