CRITIQUE. Batshevadanse company – Sadeh21 – Théâtre National de Chaillot, Paris, du 24 au 27 octobre 2018 – vu le 25/10/2018.
Il est 19h45, dans le hall du palais de Chaillot, se presse une foule compacte, dense, l’immense salle est complète jusqu’en haut, tous strapontins dépliés.
Sadeh21 réveillerait un mort avec une bande son faite de chocs électriques, de bourdonnement et de cris, de femmes alternant avec des morceaux langoureux et tendres au violoncelle. Tout est musique, on peut danser sur des notes, comme sur des cris, comme sur le silence qui prends alors une épaisseur particulière, comme au rythme mat du bruit des mollets et des cuisses d’une danseuse percutant le sol.
Les danseurs et danseuses sont au nombre de seize, des jeunes gens, ils rentrent et sortent, se croisent dans l’arène pour exécuter chacun leur tour une phrase chorégraphique. Dans un espace qui pourrait figurer un sous sol, puisqu’il n’est éclairé sur le sol et les côtés que jusqu’à 3 ou 4 metres de hauteur. Le reste de l’espace étant laissé complètement noir, opaque occulté par l’absence de lumière, comme un espace vacant, laissé à la libre appréciation du spectacteur, qui en fera tout à tour un couvercle ou un espace infini et ouvert.
Entre deux coups de batteries électriques celles précisément qui servent à ranimer les personnes victimes d’arrêts cardiaques, on assiste à une suite de mini solos puis duos, de micros histoires qui s’enchaînent les une aux autres avec un langage chorégraphique qui mêle gymnastique, acrobatie, danse, torsions, étirements grimaces, tout est danse. C’est le gaga.
Méthode élaborée par le chorégraphe israélien Ohad Naharin basée sur une approche du corps mue par l’imagination et les sens, par le biais d’images mentales et sensorielles.
Alors voilà, cette danse exigeante, inattendue, tout en étirements, torsions, bascules, spirales, est une façon tellement vivifiante, énergisante de raconter l’amour, le sexe, la séduction, la tendresse, mais aussi les batailles, le viol, le meurtre, le suicide.
Tout, ce que le spectateur voudra voir dans ces corps beaux, vifs, dont les costumes ressemblent à des maillots de bain et dont on ne sait si à la fin ceux ci, disparaissant derrière les décors, plongent dans les eaux bleues de la Méditerranée ou bien sont balayés par les echos d’une balle perdue.
Avec un traitement du mouvement et de l’espace qui maintient un équilibre subtil entre ce qui bouge la et qui se teleporte la bas, tout en onde de choc et ricochets, parce qu’encore une fois dans le pays de Batcheva tout est danse et tout est musique, même la mort.
Il n’a échappé à personne que l’espace subtil d’expression de la danse permet que des artistes puissent exprimer les choses indicibles qui se déroulent dans leur pays et la façon dont les gens vivent avec. Bien sûr Israël et la Palestine sont en premier lieu concernés mais aussi l’Afrique, le Moyen orient et encore très récemment certains pays d’Amérique latine. Tous ceux qui malgré un conflit armé, grandissent, aiment, vivent en tutoyant la guerre au quotidien.
Crée en 2011 Sadeh21, n’a malheureusement pas pris une ride.
Claire Denieul