« IL NOUS FAUT L’AMERIQUE » : PAS SI ABSURDE QUE ÇA !

CRITIQUE. « IL NOUS FAUT L’AMERIQUE » de Koffi Kwahulé, mise en scène : Denis Mpunga – jusqu’au 27 octobre 2018 – Théâtre Varia (Au Petit Varia) – Bruxelles.

Les ombres de trois personnages, telles des estampes japonaises, font un numéro de cirque. Voilà le public placé devant un bien curieux commencement. Quelle sera l’issue de cette histoire ?

Opolo, l’ami de Topitopi, trouve que le pain qu’il mange est tendre, pas vraiment idéal pour caler la faim. Ce à quoi son ami répliquera, entraînant une discussion entre eux et la femme enceinte de Topitopi : Badibadi. Ce prétexte pour sortir de l’ennui, va déboucher sur un « ni queue ni tête » burlesque qui, dès les premiers instants, font rire les spectateurs et vont les embarquer entre rêve et réalité. Un évènement inhabituel, difficile à croire, va tout chambouler. L’utopie devient le tout est possible, l’espoir : celle de la réalisation et à la fois de la divagation. L’Amérique est-elle la clé de tous les possibles ? Entre comédie, danse, musique et journal télévisé : bienvenus dans une autre dimension. Il leur faut l’Amérique… Est-ce l’Amérique qu’il leur faut ?

Déconcertant ? Divagation ? Absurde ? Plausible ? rêve ou réalité ? Pour le savoir, allez le découvrir au Petit Varia. Si vous ne le comprenez au début, avant la fin vous serez fixés.

L’auteur / Le metteur en scène : Nombreux ouvrages à son actif (*) ; lauréat 2006 au prix Ahmadou-Kourouma pour son roman « Babyface » ; Grand prix littéraire ivoirien 2006 ; Prix Édouard-Glissant ; Prix Bernard-Marie-Koltès, et bien d’autres, Koffi Kwahulé, comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier ivoirien, crée « Il nous faut l’Amérique ! » en 1997. La particularité de l’auteur ? Son écriture a une forte influence de jazz ! En effet, ces pièces ont une « sonorité qui rappelle cette musique », et qui se manifeste par le rythme que l’on peut discerner, voire, entendre, à travers les ruptures entre phrases et mots. Et cette écriture musicale a de quoi épater puisque Kwahulé est l’un des auteurs africains les plus joué au niveau international ! Évidemment traduites dans plusieurs langues, certaines d’entre elles sont jouées, en ce moment même d’ailleurs, en Afrique, bien sûr, mais également en Europe, en Australie, aux États-Unis, en Amérique latine et jusqu’au Japon !

Des textes que Denis Mpunga connaît bien, puisque ce n’est pas la première fois qu’il y dédie son talent de metteur en scène (son travail en tant que tel a connu une diffusion internationale). Pas le seul de talent du reste, puisque cet artiste originaire du Congo belge, est aussi auteur, musicien, compositeur et acteur, tant au théâtre qu’au cinéma.

C’est donc tout naturellement que Mpunga suggère « Il nous faut l’Amérique » aux trois excellents comédiens (il faut le dire) : Yves-Marina Gnahoua, François Ebouele et Hippolyte Bohouo venus lui proposer de les mettre en scène dans une pièce. Ils vont régaler le public sur scène, qui accroche malgré l’absurdité des situations, finalement bien plus intéressantes qu’il n’y paraît, puisque le texte aborde les rêves,le « rêve américain » « intemporel » selon Denis Mpunga, « avec l’envie de pouvoir rêver son avenir et de se donner les moyens pour le réaliser ». Est-ce du domaine du possible dans notre société occidentale ou dans le reste du monde ? « La case du rêve n’y existe pas », nous dit Denis, pour qui « s’il est possible de critiquer les États-Unis sur de nombreux points, ce sont cependant les seuls à avoir la capacité à rêver ». Toujours celui-ci: « ce pays s’est construit sur un mythe, ils ont dû se construire en eux-même pour créer la cohésion du peuple ».

Le sujet du rêve donc, mais aussi celui de la condition et du respect de la femme bien mis à parti dans la pièce, puisque Badibadi n’est pas traitée à l’égal de l’homme et pis encore, elle y est carrément exploitée. Un ensemble de sujets complètent donc cette histoire bien montée, qui donnera forcément de quoi alimenter les conversations.

Remarquée ! Un quatrième personnage vient s’immiscer sur scène il s’agit de Uiko Watanabe, dans le rôle de la journaliste japonaise. Cette artiste japonaise, danseuse classique (discipline qu’elle entame à l’âge de 4 ans), et chorégraphe (elle danse pour plusieurs chorégraphes de renom), touche également à l’art du cirque, et bien sûr comédienne au théâtre. Mais pas seulement, puisqu’elle crée son premier spectacle en 2008 avec « La pièce avec les légumes », à laquelle suivront d’autres. La particularité de Uiko ? Le parcours de sa vie qu’elle sublime à travers l’art. Dans « Il nous faut l’Amérique » elle subjugue et surprend avec son personnage complètement disjoncté et inattendu ; on peut dire qu’elle marque les mémoires lorsqu’elle fait référence, entre autres, à l’Amérique décomplexée.

Une artiste à suivre donc, tout comme les trois autres : le génial Hyppolyte Bohouo dans le rôle de Opolo (comédien-danseur) ; Yves-Marina Gnahoua est Badibadi sur scène (comédienne cinéma-théâtre qui met son expérience à disposition des jeunes de Mechelen) et bien sûr François Ebouele (Topitopi) que le BDO a déjà suivi (voir : « Celui qui se moque du crocodile n’a pas traversé la rivière » et «Combat de nègres et de chiens »).

« IL NOUS FAUT L’AMERIQUE », il paraît que « chacun voudra voir et même toucher cette femme phénoménale » : une mise en scène réussie, une pièce génialement disjonctée ! J’y vais !

Julia Garlito Y Romo

Comédiens : Hippolyte Bohouo, François Eboule, Yves-Marina Gnahoua, Uiko Watanabe – Scénographie : Sarah De Battice – Son/mise en scène : Denis Mpunga – Coproduction Théâtre Varia, La Coop a.s.b.l et Schelter Prod . Avec le soutien de taxshelter.be, ING et du Tax Schelter du gouvernement fédéral belgÇe. Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre

(*) « Cette vieille magie noire » (1993) ; « La Mélancolie des barbares » (2009) ; « Monsieur Ki » ou « Nouvel an chinois » (2015 ) ; « Mona » (2001) …

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