« FIN DE PARTIE », UN THEÂTRE PAS COMME LES AUTRES

CRITIQUE. FIN DE PARTIE – de Samuel Beckett – Mise en scène : Jessica De Sloovere ; présenté par Compagnie SlooN – du 03 au 06/10/18 – Théâtre de la Flûte enchantée, Bruxelles.

L’histoire : Hamm est aveugle et paraplégique. Il tyrannise quelque peu son valet qui est aussi son fils adoptif, Clov. Ses parents, Nell et Nagg, ont perdus leurs jambes lors d’un accident et vivent dans des poubelles. Fin de partie raconte une journée au sein de cette « famille » assez particulière. Clov répète à tout va « quelque chose suit son cours », mais quoi ? Il semble détester Hamm et veut le quitter, voire le tuer ; mais ils ne peuvent visiblement pas vivre l’un sans l’autre. Quelle en sera l’issue ? Dans cette relation étrange, les dialogues vont être presque répétitifs avec des silences. Un ensemble voulu par l’auteur, loin d’être dans la ligne du théâtre dit classique. Le passé est fortement rappelé, l’imaginaire fait partie de l’environnement des personnages, avec un côté obsessionnel, l’impossibilité d’agir ou de réagir dans le présent. L’incompréhension règne entre eux les rendant malheureux ou plein de rancœur. Le décor sobre, voir glauque, renforce un sentiment de détresse ambiante, parfois teinté d’un soupçon d’humour. Alors, une journée pas comme les autres ?

Comprendre l’auteur, c’est comprendre son œuvre, et of course « Fin de partie » : Prix Nobel en 1969, le dramaturge, Samuel B. Beckett est un auteur irlandais de romans et de poésies très connu pour son œuvre théâtrale. Plutôt du genre austère, voire pessimiste quant à l’être humain, il est cependant l’un des écrivains les plus érudits de son époque, parlant, notamment, plusieurs langues ; il voyage en France, Allemagne, Royaume-Uni et en Italie, entre autres, où il y découvre des mœurs bien moins austères et sévères qu’à Dublin, et malgré quelques difficultés à s’intégrer dans la vie sociale, cette nouveauté lui plaît.

À Paris, il est initié à la vie intellectuelle et artistique qui influenceront fortement son œuvre. De nature instable et de santé fragile, il est souvent dépressif et s’intéressera de près à la psychanalyse, suivra même une thérapie. Il connaît la guerre, devient résistant, est médaillé pour cela. Il retourne à Dublin, pour apprendre que sa mère (relations compliquées) est atteinte de la maladie de Parkinson (maladie dont il souffrira à la fin de sa vie). Ce choc provoque un déclic et il décide de s’installer à Paris. Il se dévoue en aidant les miséreux ce qui contraste fortement de la vie menée au sein de sa famille bourgeoise. C’est là que, malgré des conditions économiques difficiles, il va écrire à n’en plus finir. Il hérite à la mort de sa mère, accumule les écrits et finit par publier un roman « Godot », son premier succès, que Roger Blin montera en pièce, grâce à sa femme Suzanne. C’est la révélation, le théâtre devient sa passion ! Sa notoriété devient absolue dans les années soixante et son œuvre de plus en plus minimaliste. Il touche à tout, inclus le cinéma. Il déteste les mondanités et se désespère d’avoir reçu le prix Nobel en 1969. Les morts successives au fil des années de ses amis et de sa famille, le rendent propice à l’isolement.

Voilà donc plusieurs éléments réunis que l’on peut retrouver dans la pièce : relations, maladie, thérapie, etc.

La mise en scène : Jessica De Sloovere met en scène mais pas seulement puisqu’elle joue rôle de Nell également (la mère). Malgré une mise en scène qui se rapproche certainement du texte de Beckett (un théâtre loin d’être classique) et des comédiens qui s’en sortent plus que bien (on salue ici Yves Nollet dans le rôle de Clov (voir aussi Piège Fatal, critique BDO) mais aussi Bernard Favart (Hamm) et bien sûr Jessica), la vérité est que la lenteur et le manque de dynamisme font que le public s’ennuie un peu ou déconnecte forcément à un moment ou à un autre.

Très remarquée cependant la prestation du jeune Maxime Dambly dans le rôle du père, Nagg. Il sort de sa « poubelle » et captive immédiatement le spectateur avec son regard, fascinant ! Comédien et réalisateur belge, il a quelques séries, clips et longs-métrages à son actif. Un jeune talent à suivre certainement.

Julia Garlito Y Romo

Comédiens : Maxime Dambly ; Jessica De Sloovere ; Bernard Favart ; Yves Nollet

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s