« GUSTAVIA », LA LIBERTE LUDIQUE DE LA RIBOT ET MATHILDE MONNIER

CRITIQUE. « Gustavia » de et par La Ribot et Mathilde Monnier – Théâtre de Vidy, Lausanne, du 2 au 4 octobre 2018.

Allez, sans réfléchir, si je vous dis « qualité féminine », à quoi pensez-vous ? Douceur, compassion, faiblesse, sensibilité? Des réponses bien essentialistes ! La Ribot et Mathilde Monnier vont se charger durant le spectacle de déconstruire cette image stéréotypée.

Rideaux noirs, tout est noir, même le sol est recouvert de velours noir, un fauteuil de cuir trône au centre de l’espace scénique. En justaucorps noirs, elles… chantent ? non… produisent des sons, qui passent de l’aigu au grave. Douces voix. Pourtant très vite, elles se muent en plaintes, puis en pleurs. Mais des pleurs de comédie, des pleurs sans chagrin, ceux issus d’enfants capricieux. Si évidemment manipulateurs que la salle en rit. Ridiculisées par des chutes, les deux comédiennes ne cessent de geindre avec application. « Quand les larmes seront versées, tout le féminin en moi sera quitté ». Coup de tonnerre. Pluie.

En plusieurs tableaux, c’est la féminité normée par des siècles d’éducation des petites filles que les comédiennes vont déconstruire. Assorties d’un humour décapant enrobé d’une feinte innocence, les parades se succèdent. A une aérienne danse d’oiseaux livrée avec grâce et affectation, succède l’arrivée d’un accessoire contondant: une planche noire transportée sur l’épaule d’une des protagonistes. Et la liberté de l’une est anéantie par la rigidité de l’autre.

Un jeu sur les mots suggère le chantage affectif ou le duel assassin. Des regards appuyés passent du public à la rivale insinuant la prise à témoin, la justification, puis la compétition. S’ensuit une très belle chorégraphie rythmée autour du genou. Cacher ou dévoiler ? Couvrir ou découvrir ? De guerre lasse, mieux vaut partir en montrant ses fesses !

Enfin, juchées sur de hauts tabourets, en équilibre quelque peu instable, elles clament la diversité abondamment occultée de la Femme. Un discours qui dit la Femme sans frontière. Si impérieux que leurs voix se chevauchent. Si nécessaire que leurs mains s’y appuient. Si joyeux qu’elles se surprennent à en rire. Le discours qui dit la Femme qui peut ouvrir les jambes et prier en même temps.

La liberté ludique de cette mise en scène est efficacement soulignée par la réalisation sonore d’Olivier Renouf. Fusionnant malicieusement paroles et langage corporel, La Ribot et Mathilde Monnier mettent en avant le message salutaire d’une image de la femme libérée de ses poncifs paralysants.

L’introduction de cette chronique invitait à une réaction spontanée. La conclusion, elle, engage à la réflexion. Sortant de la représentation, je me demandai s’il n’y manquait pas un zeste de bienveillance. Comme quoi, même en pleine déconstruction, les clichés ont la vie dure!

Culturieuse

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