CRITIQUE. “Louison”, Alfred de Musset, mis en scène par Pauline Boccara, au Guichet Montparnasse, les jeudis à 20h45.
Sans fioritures : c’est très réussi. La distribution est fine, le rythme est prenant, le jeu cinq fois singulier mais sans dissonance, et l’ambiance dans la (très) petite salle du Guichet, d’une contagieuse gaieté. Le texte de Musset, comme toujours léger, mutin et élégant, résiste au raffinement suranné grâce à un travail de diction remarquable qui donne un joli coup de neuf à l’alexandrin. Un vrai travail du naturel et une belle transposition contemporaine.
Bérénice Boccara campe une Louison grâcile, le trait et le jeu pleins de caractère, une Louison au regard intelligent, au beau timbre grave et à l’audacieuse séduction de la jeunesse -de celles qui sont toujours surprises d’elles-mêmes. Son duo, ses duels avec Antoine Richard dans le rôle du Duc (tout à son droit de cuissage) sont habilement chorégraphiés et tout à fait crédibles. Antonin de Laurens est irrésistible en Berthaud avec ses frippes mal arrangées et sa cravatte jaune tombante. C’est lui qui arrache le premier rire à un public qui attend toujours le premier rire, pour être sûr. Il lui faut deux ou trois répliques supplémentaires pour que l’hilarité soit générale, puis pour n’avoir qu’à paraître sur scène pour que de bons rires, ceux bien terriens, bien du coeur, fusent de droite et de gauche. Sacrée puissance comique. Ca fait un bien fou.
Autre excellence de distribution, Odile Blanchet, ravissante beauté opaline au timbre mesuré et au regard immense et clair, écrin d’un orage ; c’est maîtrisé, c’est sûr, c’est beau. Sa prestation d’épouse jalouse et inquiète est d’autant plus éclatante qu’elle agit par contraste avec cette Louison brune au regard noir, la langue déliée, l’instinctive, l’animale, à la féminité implosive. Ces deux-là sont deux miroirs de la grâce. Un régal dans ce spectacle léger, cadencé et constant. Patricia Perrault, la mère, la maréchale et la marraine est convaincante et arrive à tisser élégamment la puissance comique de son personnage et sa figure d’autorité intelligente et bienveillante : elle est très drôle, jamais risible.
Le Guichet Montparnasse héberge une comédie fraîche, jolie et efficace, aux comédiens bourrés de talent. Il ne faut pas manquer ces occasions de rire vraiment quand le verbe est beau. Le théâtre, c’est aussi lâcher prise.
Marguerite Dornier