CRITIQUE (retour). Molly B – D’après James Joyce – Metteuse en scène et interprète : Cécile Morel – Maison de la poésie, Avignon, du 6 au 29 juillet.
Monologue de Molly Bloom revisité, joué/chanté par Cécile Morel.
S’il est un érotisme naturel, c’est celui qui passe par les interdits. Dans cet amour sans restriction Molly exprime crûment ses fantasmes, ses joies et ses peines. Les dialogues, ciselés, répétés comme pour les mettre en danger, apportent l’érotisme joycien qui parcourt le monologue de Molly/Bloom.
Initialement, en tout cas tel qu’il est écrit dans Ulysse, le monologue de Molly est sans ponctuation. Il se lit d’un seul élan. Là, Molly/Cécile Morel scande le dialogue en y insérant des chants, irlandais sans nul doute, que Molly devait chanter de sa très belle voix. C’est une façon de rendre à Molly ce qui lui appartient : sa voix. De lui donner une existence charnelle autre que celle que Joyce lui attribue dans Ulysse : ce fameux monologue. Pour Joyce, l’écriture est le lieu opportun ou s’exerce son expression. La plus folle dit-on. «Tout est dans tout », tous les mots sont solubles, mélangeables, déformables, interchangeables, car le Tout adhère à chaque mot, à chaque expression
Nora/Molly/Bloom, elle n’est, pour Joyce, qu’une image. Elle est douée pour ce que Joyce appelle la « vie ». « Es-tu celle qui me comprend ? ».
L’introduction du chant, n’apporte que césures et scansion dans un texte dont la beauté formelle, Joycienne, apporte lui, un bouleversement dans ce qui nous est désormais familier : comment écrit-on ! Comment lit- on !
J’y vais. Pour Cécile Morel qui de sa très belle voix, enchante un monologue toujours aussi dense et aère l’interprétation.
André Michel Pouly