AVIGNON : AVEC SON « IPHIGENIE », CHLOE DABERT RATATINE RACINE

CRITIQUE. FESTIVAL D’AVIGNON 2018 – « Iphigénie » de Jean Racine – Mise en scène : Chloé Dabert – Cloître des Carmes – du 8 au 15 juillet à 22h00.

C’est sur un beau rivage d’Aulis que s’ouvre « Iphigénie » de Jean Racine mise en scène par Chloé Dabert, fraîchement nommée à la direction de la Comédie de Reims. Un décor sobre, excessivement, quelques mètres carrés de sable où pointent quelques roseaux ou autres herbes halophiles, trois toiles de camouflages qui tentent malgré le vent de masquer les ogives de ce magnifique Cloître des Carmes et un immense mirador, énormité d’acier trônant tel un totem, imposant sa hauteur. Dès les premiers vers, au premier regard, on ne peut qu’hésiter à deviner le grand Agamemnon (Yann Boudaud) qui ici devient plus la résurgence d’un quelconque adjudant aviné que celle d’un grand roi et général des armées. Ironie du sort, c’est sous une bourrasque comme seul le Mistral sait en offrir que ce roi annonce à Arcas que, faute de vent, la guerre de Troie ne peut avoir lieu et que les oracles lui demandent de sacrifier à Artémis sa propre fille Iphigénie pour réveiller Eole.

Sautant d’un pied à l’autre, hésitant, bourré de petits tics censés révéler son hésitation, le pauvre Agamemnon, esseulé sur ces dunes plates, veut nous fait comprendre que la seule ayant un tant soit peu de courage est sa fille et qu’il ne faudra pas compter sur lui ni pour la sauver ni pour accepter pleinement ce sacrifice.

Chloé Dabert, pensant que seuls les vers de Racine suffisent, aplanit toutes les aspérités, tous les doutes, et quand entrent sur scène la jeune Iphigénie (Victoire Du Bois), sa mère Clytemnestre, quasi gouailleuse féministe avant l‘heure (Servane Ducorps), et Ériphile, effacée, enlevée par Achille sur Lesbos, on ne peut que pressentir que la soirée ne va pas être celle de la passion mais bien celle de l’ennui et de la dilatation du temps.

Comment être emmenés par ces vers souvent assassinés par des comédiens hésitants et mal aidés par une lumière crue de néons, peut-être empruntés à Thomas Jolly pour son « Thyeste » et plus dignes d’un hôpital de province ou d’un supermarché que d’une création théâtrale ? Quel exploit de parvenir à n’avoir aucune ombre sur le plateau ! Le coup de grâce, comme une sorte de mise à mort du public, intervient à la découverte d’un Achille d’opérette (Sébastien Eveno), en torreador aux banderilles émoussées, surjouant la colère mais ne parvenant jamais à s’imposer par sa seule présence, ni dans la haine ni dans l’amour. Comment croire à cet amour d’Achille et d’Iphigénie qui parviennent même à jouer la distance de deux êtres qui s’aiment et dont l’un va mourir ? Quelle gageure !

C’est après 2h30 de souffrance ou simplement de somnolence que le public, délivré d’une « Iphigénie » sans envergure, soporifique et plate, peut enfin quitter un Cloître des Carmes où la guerre de Troie n’aura sûrement pas lieu ce soir-là.

Pierre Salles

article publié en partenariat avec INFERNO

Photo Festival d’Avignon

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