CRITIQUE. « Anima Ardens » – Chorégraphie Thierry Smith – Avignon Off, La Manufacture – Du 6 au 15/07/18, 19h50.
Où l’on sait qu’ils sont nus.
Difficile de soupçonner Thierry Smith de calculs quand on sait son parcours et la nature de son engagement militant dans de nombreuses causes dont celle de la lutte contre le sida, mais un goût de fabriqué reste après la présentation de Anima Ardens – Âmes brulantes – présenté à la patinoire d’Avignon.
Alors la transe. Oui. Pourquoi pas. Alors les corps qui se dépassent, se surpassent… bon… mais pour qui a déjà assisté dans le monde à ce type de cérémonie sait bien que traverser ces états psychiques traduits par le corps ne se fait pas dans un univers musical soigné – Francisco Lopez et Jean Fürst, inspirés – mais par un long processus qui induit la personne au-delà de la simple forme… et c’est un peu ce à quoi on assiste dans la reprise de cette pièce de la Cie Thor à Avignon.
Nous reviennent évidemment des images de Tragédie d’Olivier Dubois présentée au Cloître des Carmes en 2012 qui a fait sensation et posa durablement le statut du danseur(seuse) nu(e-s) sur une scène… Ici, certes, ils sont nus… mais la composition, l’écriture empêchent presque d’en ressentir la nécessité et il y a bien longtemps que les séances de transe ne se passent pas ou plus dans le plus simple appareil… c’est donc un fantasme de Thierry Smith mais qui ne sert pas son propos et qui passe donc pour une volonté de provocation qui ne convainc pas non plus.
Bref, on reste entre deux eaux… on espérait quelque chose et on sort de là avec certes une belle performance – et l’on doit saluer les danseurs : Linton Aberle, Michaël Adam Góral, Ruben Brown, Davide Guarino, Gustavo Monteiro, Oskari Nyyssöla, Emeric Rabot, Nelson Treguera Perez, Olivier Tida Tida, Eduard Turull Montells, Duarte Valadares – de se prêter ainsi corps nus à cette performance pas tout à fait réussie mais à laquelle ils permettent par leur engagement, leur abnégation, leur envie d’entrer dans cet état sans pour autant y parvenir – et on les comprend, cela ne se fait pas entre 7h et 8h…
Petite frustration donc pour le passage à Avignon d’un artiste Belge toujours prolixe, qui sait prendre des risques mais qui ici fabrique un peu, espérant le scandale qui – peut-être – ne viendra pas.
Emmanuel Serafini