INTERVIEW. Entretien avec Jean Varela – Directeur du Festival « Le Printemps des Comédiens – 2018 »
Le BDO Tribune : Que représente maintenant le Printemps des Comédiens en quelques chiffres ?
Jean Varela : C’est maintenant un festival qui dure 30 jours sur le moisde Juin avec environ une quarantaine de spectacles sans compter la fête de la musique, 140 levées de rideau et quelques 45000 spectateurs.
Quelle est la typologie des spectateurs du Printemps des Comédiens ?
Jean Varela : Il y a une base de personnes de proximité qui est trèsimportante avec laquelle nous effectuons un travail tout au long de l’année à l’aide de rencontres et de réseaux auxquels nous présentons notre travail. Mais il y a maintenant un public qui vient de toute la France et même de plus loin, on a pu clairement le constater sur les
spectacles de Kristian Luppa, Laetitia Dosch, Krzysztof Warlikowski ou sur d’autres spectacles. C’est d’ailleurs le même phénomène avec les professionnels et la presse.
Au fil des années le festival devient un moment important dans le théâtre, comment se passe la programmation durant l’année ?
Jean Varela : D’abord mes critères de choix sont ceux d’un théâtre d’Art, je tente d’essayer d’atteindre l’excellence, d’accompagner les artistes dans le temps, donc de créer des fidélités qui passent par l’accompagnement dans la production et même la pré-production, de s’engager de plus en plus tôt, d’essayer d’être là dès que les artistes nous parlent d’un projet. Le Printemps coproduit pas mal de spectacles ou investit sur des premières en France. Le souhait est donc d’aller de la sorte vers la création et d’avoir durant ce festival un état possible du théâtre. Nous avons la chance d’avoir un théâtre de 80 places, un de 200 places, un autre de 600 places, un théâtre en plein air de 500 places, la possibilité d’aménager des théâtres en plein air dans le bassin ou ailleurs et bien sûr un amphithéâtre de plus de 1800 places. Ces diverses configurations permettent donc d’avoir des esthétiques et des objets très différents, on a pu passer de « Hate » dans le théâtre Jean-Claude Carrière à « La Conférence des oiseaux » en plein air le même jour, deux spectacles qui sont deux univers de théâtre complètement différents, même s’ils posent tous deux la présence de l’Homme dans le monde et sa finitude à des endroits différents.
Vous semblez vouloir défendre un théâtre toujours populaire dans un sens de qualité et non élitiste …
Jean Varela : Je reprendrai de mémoire la phrase d’Antoine Vitez : « Elitaire pour tous », c’est-à-dire qu’à partir du moment où nous sommes des lieux de service public, financés par l’argent public, on se doit de montrer du théâtre d’Art d’excellence et d’emmener les spectateurs par un travail de rencontre et de pédagogie à la curiosité, à la découverte et à la prise de risque commune.
D’où le « Hate » ou le « Macbettu »* ?
Jean Varela : Oui bien sûr ! ou les cinq heures du « Procès » de Kristian Luppa en polonais. C’est grâce aux nombreux réseaux que nous avons établis et que nous entretenons durant toute l’année et aux discussions permanentes avec ces animateurs de réseaux que tout cela est possible. Les rencontres que je tiens avec les spectateurs, la cinquantaine de réunions de présentation de la saison, aussi bien dans des appartements que dans des associations, sont autant de moments permettant de raconter la geste du festival et la prise de risque nécessaire que nous devons entreprendre ensemble, spectateurs et nous.
Qu’en est-il de l’ouverture possible vers le centre de Montpellier ?
Jean Varela : Mais c’est déjà le cas ! C’est quelque chose qui se passe actuellement, par exemple cette année à l’Opéra Comédie avec « Italienne scène et orchestre » de Jean François Sivadier .
Mais est-ce un phénomène qui va prendre de l’ampleur ?
Jean Varela : Maintenant que nous avons de par la loi NOTRE comme partenaire non plus le département mais la métropole, nous pouvons plus aisément passer les murs du Domaine d’O. Nous sommes allés cette année au Centre Dramatique National ou dans des salles tenues par des artistes de Montpellier comme par exemple la salle A3, la Baignoire, la salle à la Gare, l’Opéra Comédie mais aussi le Kiasma à Castelnau-le-Lez. Donc oui ! Il y a une possibilité d’aller dans la ville mais, et ce sera une réflexion des années à venir, il faut garder un cœur à ce festival et ce cœur c’est le domaine d’O.
Et les quartiers populaires plus lointains ?
Jean Varela : Pour l’instant le Printemps n’a pas vocation à sortir de l’espace métropolitain mais quand on va jouer à la salle A3 qui est au Figuerolles ou du côté de la gare, le Printemps se trouve au centre d’un quartier dit populaire. Puis il y a aussi durant toute l’année un travail avec le département de l’Hérault et plusieurs collèges de quartiers populaires que des professionnels font travailler sur le théâtre de Shakespeare ou des textes plus contemporains. Nous les accueillons pendant deux jours au festival durant lesquels ils viennent présenter leurs travaux, nous avons nommé ce temps « Le printemps des Collégiens ». Tout au long de l’année nous les rencontrons et nous leur parlons des métiers du théâtre et du service public. Cette année il y a d’ailleurs des chercheurs de 19 pays qui sont venus voir ce que nous faisons avec ces jeunes, c’est un travail que nous menons avec l’Institut de Recherche sur la Renaissance, l’Age Classique et les Lumières du département pour voir comment par et avec le théâtre nous pouvons donner des chances supplémentaires à des enfants de quartiers populaires.
Comment voyez-vous l’avenir du Festival ? Quels changements pour ces prochaines années ?
Jean Varela : Changements je ne sais pas… mon souhait est avant tout de tenter d’amplifier ce mouvement que j’ai amorcé dès mon arrivé à la direction du Festival. Aller toujours plus loin vers un festival de création qui portera des productions et pré productions.
Propos recueillis par Pierre Salles,
envoyé spécial à Monpellier
Printemps des Comédiens : Du 1 au 30 Juin Au Domaine d’O – Montpellier
*Lire les articles de P. Salles sur « Hate » et sur « Macbettu«