CRITIQUE. « L’Avare », mise en scène Ludovic Lagarde du 2 au 30 juin, à l’Odéon 6e.
C’est avec beaucoup d’attentes que je suis allée voir ce grand classique, et je n’ai pas été déçue. » L’Avare » de Ludovic Lagarde, créé en 2014 à la Comédie de Reims, est revisité avec audace et ne manque pas de nous surprendre.
Le parti-pris : transposer Harpagon et sa clique au XXIe siècle dans l’entrepôt où celui-ci fait commerce de tout. Et si Lagarde a choisi de mettre sur le plateau des téléphones portables, un écran plat, une tablette, pour autant il n’a pas modifié le texte original, et tire – de la contrainte d’utiliser des termes désuets comme « haut-de-chausses, pourpoint etc. » – des astuces de mise en scène qui apportent beaucoup d’humour. Les anachronismes deviennent un joyeux code, certaines fois même, les comédiens traduisent avec quelques signes explicatifs des expressions dépassées, ce qui rend cette langue très accessible à tout un chacun, ce qui est louable. Si les textes de Molière sont par leur fond intemporels et universels, il n’en demeure pas moins que n’ayant pas été traduits, on ne peut les moderniser que par la prouesse des acteurs et de la mise en scène.
Justement, je ne peux m’empêcher de tirer mon chapeau à Laurent Poitrenaux qui est brillant : virtuose et enchanteur. Tour à tour effrayant, cynique, amer, drôle, il incarne un Harpagon des années 2000 criant de vérité, l’humanité dans ce qu’elle a de plus laid. Tous les comédiens sont excellents. J’ajoute un mot pour Louise Dupuis, sans doute une des premières femmes à jouer Maître Jacques, et quelle bonne idée, puisqu’elle relève le défi haut la main !
Si ce n’est que le rythme de certaines scènes aurait pu être resserré afin de nous éviter de passer 2h35 sur des sièges moyennement confortables, je dois affirmer que je sors conquise par cette nouvelle exploration de ce chef-d’œuvre.
Un Avare à consommer sans avarice.
Norma Soine,
vu le 10 juin 2018
Photo Pascal Gely
LE BRUITDUOFF TRIBUNE 