CRITIQUE. « La Promesse de l’Aube » de Romain Gary – Avec Michel Kacenelenbogen – Mise en scène et adaptation Itsik Elbaz – Le 28/04/18 au Théâtre « Le Public » à Bruxelles. Petite salle.
Entre promesses et amour, l’art d’être un autre le temps d’un spectacle.
Sur la Scène :
« Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça donne de mauvaises habitudes ». Voilà, le ton est donné. Michel Kacenelenbogen nous dit le texte de Romain Gary d’après son roman « La Promesse de l’Aube ». Il captive de sa voix, en à peine ces quelques mots, l’attention du public. Le silence se fait. On écoute avec attention, oubliant, l’espace d’une représentation, que l’on se trouve dans la petite salle du Théâtre Le Public.
Le spectateur est transporté dans l’espace temps, là où commence l’histoire de Romain Gary et de sa mère Nina. L’histoire de son enfance et de sa jeunesse auprès d’elle, ancienne actrice, à la fois courageuse, tendre, naïve, à l’énergie extravagante, rêvant d’un fils au futur triomphant, tel Ambassadeur de France, un grand artiste, un grand séducteur, ou encore un héros de guerre, et surtout, admiré de tous. Depuis la Russie jusqu’à la Pologne, en passant par Nice, Paris et Londres, ou à encore, L’Afrique, la voix de Michel, alias Romain, nous raconte l’amour fou et inconditionnel d’une mère à son fils; un amour qu’il gardera en lui et l’influencera dans ses choix tout au long de sa vie. « Il me fallait tenir ma promesse, revenir à la maison couvert de gloire après cent combats victorieux, écrire Guerre et Paix, devenir ambassadeur de France, bref, permettre au talent de ma mère de se manifester ».
Comment ne pas oublier la honte que Gary ressent parfois dans certaines situations, face aux yeux amoureux et le regard que lui porte la belle Nina ? « Si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine ». Non sans un certain humour, c’est cette tendresse à la fois douloureuse et émouvante, que Michel transmet aux spectateurs avec talent. « Je suis un mangeur d’étoiles et c’est à la nuit que je me confie le plus aisément ». Kacenelenbogen ouvre une porte, il fait sombre dans la salle, seule, la lueur de la lune que l’on devine, se marie au son de sa voix et les mots qu’il adresse à Nina, se reflètent dans nos âmes… dans nos souvenirs.
Le Belge Michel Kacenelenbogen, comédien (Premier Prix au Conservatoire de Bruxelles), également metteur en scène (on se souvient, entre autres, de « Bord de Mer, récemment chroniqué par le BDO), cofondateur (avec Patricia Ide) du Théâtre Le Public, nous épate une nouvelle fois. Il nous revient avec ce spectacle, après le Festival d’Avignon en 2017 (Theâtre du Chêne Noir), ainsi qu’à Bruxelles, dans ce même théâtre, Le Public, la même année. On ne peut que dire: on adore ! tant sa prestation est bluffante. Il n’est pas seulement talentueux, il a aussi une voix, essentielle dans cette mise en scène. « La voix est ce qui ressemble le plus à l’âme » (Roger Mondoloni, dans l’Aube du temps qui vient »). Et quelle belle âme !
Belle adaptation de l’humble et talentueux Itsik Elbaz, metteur en scène et comédien (meilleur comédien 2007-2008 aux Prix de la Critique) diplômé des Arts de Diffusion de Louvain-Neuve. Né en Israël en 1976, il passe cependant son enfance à Paris, et arrive à Bruxelles à l’âge de quinze ans. Ayant travaillé dans de nombreux théâtres et sous la direction de non moins nombreux metteurs en scène, Elbaz signe ici son deuxième arrangement artistique de l’œuvre de Romain Gary après « La Vie devant soi » (en collaboration avec Michel Kacenelenbogen). Il aime particulièrement la façon dont Romain Gary « raconte avec humour ou avec sérieux mais jamais sans gravité, cette traversée des évènements historiques et intimes ». On peut dire que Elbaz réussi haut la main à nous faire vivre cette impression à travers son art.
Tant du point de vue lumière, que scénographie, musique et son, projections, et, sans aucun doute, l’excellente interprétation, « La Promesse de l’Aube » est un spectacle à voir et à revoir. A découvrir certainement. Les spectateurs qui ne l’on pas déjà fait, se rueront ou relieront l’œuvre de Gary.
La représentation sur Bruxelles est malheureusement terminée, mais non sans espérer qu’elle sera de retour très bientôt, ici, ou ailleurs.
J’y vais, oh que oui !
Julia Garlito Y Romo
à Bruxelles
Une coproduction du Théâtre Le Public, du Théâtre du Chêne Noir et de Ki M’aime me suive. Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral belge via Belga Films Fund. D’après La Promesse de l’Aube de Romain Gary – Editions Gallimard.
A lire également sur le BDO Avignon le 23/07/2017 : « La promesse de l’aube : Ode à sa mère » d’Emmanuel Serafini.
Photo Gael Maleux