« MEMOIRES D’UN TRICHEUR », QUAND LE DESENGAGEMENT SE RACONTE DES HISTOIRES

CRITIQUE. « Mémoires d’un tricheur » – D’après le roman de Sacha Guitry, adapté et mis en scène par Eric-Emmanuel Schmitt – avec Olivier Lejeune et Sylvain Katan – Théâtre Rive Gauche Paris, les mardis, jeudis, vendredis et samedis à 19h, les dimanches à 17h30 jusqu’au 20 avril 2018.

Eric-Emmanuel Schmitt, c’est tendance. Pour la littérature, c’est un bon écrivain populaire, sympathique en diable, audacieux parfois, bien établi dans l’imaginaire bourgeois du « plutôt bon goût ». Pour le théâtre, c’est à peu près la même chose, l’audace exceptée. Guitry pour Schmitt, c’est confortable : c’est son pendant thirties, juste assez provocateur pour distraire la petite bourgeoisie parisienne ; ils partagent l’art du dosage. Le « Mémoires d’un tricheur » au Théâtre Rive Gauche a tout l’attirail de cet art courtisan, tout en séduction, en retenue polissonne jamais paillarde, non, surtout pas, c’est le texte qui veut ça, et l’intention, aussi. L’intention absolue de plaire à ce tout le monde qu’à Paris on appelle le beau monde.

C’est immanquablement une bonne soirée, on en sort tout satisfait d’avoir gloussé une heure. Après demain, vous aurez probablement tout oublié, du texte à l’interprétation, et vous conserverez un agréable souvenir de bonne humeur et de gaîté. Comme souvent, l’excès de fard trahit un défaut de consistance, et ce théâtre-là s’oublie dans le spectaculaire.

On apprécie -beaucoup- la fidélité à Guitry dans la présentation préliminaire de l’équipe backstage au complet façon générique ; la très belle tenue d’Olivier Lejeune qui a le ton juste -que c’est bon la justesse, l’adresse raffinée, l’élégance un brin surannée du mauvais garçon, la taquinerie propice à cet entre-soi du Rive Gauche… La bouffonnerie d’un Sylvain Katan polymorphe, ingénieux, facétieux, extravagant et d’une précision pourtant académique dans son placement en duo ou en miroir tout au long de la pièce avec son camarade de scène. Et la camaraderie. Ces deux là s’entendent à merveille, le plaisir est là, tout le temps, abondamment partagé, surabondamment parce que c’est du théâtre, et que ce théâtre-là joue avec le presque trop pour nous rassurer sur le prix des places : vous êtes bien au théâtre, c’est facile, c’est évident, c’est tout cuit, régalez-vous. La recette est savoureuse. Personne n’a tort d’aller s’amuser. En attendant, le théâtre piétine, mais qui s’en soucie ?

Marguerite Dornier

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