TRIBUNE. FACEBOOK, PETA, CIVITAS… L’EXPLOSION DE LA CENSURE DE L’ART
Phénomène d’époque, la censure, sous toutes ses formes, est de retour. Vecteur de la prolifération des « indignations » , accélérateur vertigineux de la désinformation, du fake et de l’émotion surdémultipliée, le net se révèle un fabuleux agent de propagande au service des affabulateurs, des menteurs et des colporteurs de fausses nouvelles en tout genre. Et des censeurs de l’art vivant, obscur bataillon d’anonymes prompts à s’indigner de telle ou telle oeuvre dérangeant leur confort moral et leurs convictions rétrogrades, dans un vomissement incessant sur la toile d’anathèmes violents à l’encontre des artistes.
A César tout honneur, le « réseau social » Facebook est particulièrement actif dans cette concurrence sauvage, et souvent le premier à dégainer dès lors qu’une image ne lui convient pas, au prétexte par exemple qu’elle présenterait une nudité malvenue chez ces puritains d’outre-Atlantique, dont la désespérante inculture artistique les a conduits à mettre en oeuvre de sournois algorythmes qui suppriment derechef la moindre publication où un corps nu apparaît, dût-il être un simple article de journal relatant un spectacle de danse contemporaine, jusqu’à la fameuse « Origine du monde », dont le malheureux posteur de cette icône de l’art voit immédiatement son post supprimé, quand ce n’est pas son compte clôturé sans autre forme de procès.
Autres spécialistes de la censure artistique, ces quasi-sectes déguisées en associations, à commencer par les inévitables Civitas et autres consoeurs en ultra-catholicisme vengeur, prêtes à venir éructer devant telle projection de film « inconvenant » (Scorcese en a fait les frais), telle représentation théâtrale (Rodrigo Garcia ou Castellucci les ont souvent à leur porte) ou telle image d’artiste, comme cet acharnement que le malheureux Andres Serrano a dû subir avec son « Piss Christ ». Cette engeance là -les cathos ultra- a hélas de beaux jours devant elle, au vu des soutiens indéfectibles de la partie la plus réac de la classe politique, comme ces Fillon, Morano ou Wauquiez, brandissant l’étendard de la vertu et de la pensée « correcte ». On sait ce que valent ceux-là une fois leur vie perso dévoilée…
Mais d’autres ligues « vertueuses » et donneuses de leçons sont également très actives, de plus en plus même : à commencer par ces associations soi-disant « féministes », qui pour leur oeuvre de censeurs(es) patenté(e)s de grands créateurs (Woody Allen, Polanski…) utilisent curieusement les mêmes armes que celles rodées par leurs « ennemis » intimes que sont les ligues américaines pro-life, véritables terroristes sans scupules ni honneur… Désigner à la vindicte populaire -et au lynchage médiatique- tel ou tel artiste est leur kif quotidien, avec les dégâts que l’on connaît… Où s’arrêteront-elles ? Que leur « pensée » nébuleuse et embrumée, vierge de toute appétence à l’art et les idées les conduise à de tels débordements grotesques ne semble pas les affecter… Certes le ridicule ne tue pas.
Et en la matière, que dire alors de ces ligues pro-animales, dont la virulence se déchaîne pour un oui ou pour un non, dès lors qu’il s’agit de défendre becs et ongles ces « pauvres animaux » -que nous mangeons, que nous domestiquons, dont nous nous divertissons (cf les vieilles rombières niçoises et leurs toutous coiffés, manucurés et parfumés), depuis que l’humanité existe. Celles-là, ces associations pro-animales, sont peut être les pires : en tout cas les plus radicalement intolérantes et allergiques à l’art. La preuve cette dernière polémique au sujet de l’oeuvre vidéo de l’artiste Adel Abdessemed exposée au MAC de Lyon et retirée promptement à la suite d’une dénonciation d’un membre de la secte PETA, dangereuse multinationale véganiste et activiste radicale*. Cette même secte pro-animale qui depuis des lustres tente avec d’autres fascizoïdes de leur genre (comme le CRAC) de faire interdire l’art de la Corrida, classé patrimoine immatériel mondial par l’Unesco, en organisant des manifs agressives devant les spectacles, où leurs membres se ridiculisent en se tortillant comme de pauvres zombis couverts de faux-sang, dignes des plus mauvaises séries Z du cinéma muet…
Bref, on le voit, le terrain est occupé, la censure exercée par ces ligues fascisantes (bien aidées par les opérateurs internet) jamais ne s’est sentie aussi à l’aise et ragaillardie, découvrant sans cesse de nouveaux territoires artistiques pour exprimer toute sa fureur obscène et sa bêtise radicale. Pauvres de nous.
Faustine Saint Pierre
pour vous servir
* Voir l’article https://inferno-magazine.com/2018/03/15/adel-abdessemed-lantidote-exposition-et-polemique-au-mac-lyon/
Images : Castellucci, « sur le concept du visage du fils de dieu », Adel Abdessemed, « Printemps », Andres Serrano, « Piss Christ » – Copyright leurs auteurs