CRITIQUE. « Le Fils » de Florian Zeller. Mise en scène de Ladislas Chollat – À partir du 3 février 2018 du mardi au samedi à 20H30 et dimanche à 16H à la Comédie des Champs Élysées.
Après avoir traité de la dépression et de la maladie d’Alzheimer, Florian Zeller attaque pour le troisième volet de sa trilogie, « Le fils », le mal de vivre et le décrochage d’un adolescent. Un thème grave au combien intéressant à traiter et, quand je me souviens de la bouleversante prestation de Robert Hirsch dans « le Père » (deuxième volet de la trilogie), je me dis pourquoi pas…
Mais ici, tout manque de profondeur, de recherche pour convaincre. La pièce frôle le mélo et la superficialité, faute d’émotion vraie et d’incarnation. Et on finit par se demander s’il y a une réelle motivation à porter un tel sujet à la lumière ou si ce n’est pas juste un prétexte pour fabriquer de l’émotion facile.
La distribution est clinquante mais le résultat peu concluant. Yvan Attal joue en mode automatique le rôle du père aveuglé, quand le jeune Rod Paradot cherche encore sa tonalité en surjouant un ado en souffrance, et qu’ Anne Consigny, presque inaudible, interprète, sur un ton monocorde, la mère dépassée. Tout manque de chair et d’épaisseur. La mise en scène n’apporte pas plus de relief aux situations. Se contentant d’effets appuyés à répétition, elle ne parvient pas à rehausser une narration bien ficelée mais sans doute trop linéaire.
Dans la première partie, le temps s’écoule péniblement. Les situations se révèlent insipides et le jeu, « étroit ». Il est question du déni des parents et de l’isolement de l’enfant, mais nous ne voyons rien, ne ressentons rien. Et les scènes finissent par être trop quotidiennes pour avoir leur place sur le plateau. « Il a parfois des regards inquiétants », « Je suis très en colère ». Les émotions s’énoncent mais ne se vivent pas. « Pardonne-moi pour hier soir, je regrette les phrases que j’ai dites, j’avais trop bu… », « Ces derniers jours, il n’était plus pareil ». Les moments forts semblent se passer en coulisse, comme dissimulés. Par pudeur ou inconsistance ? Pourtant, c’est cette urgence que nous, spectateurs, aurions eu envie de voir, de vivre avec les personnages. Finalement l’émotion vraie je la surprends, non sur scène mais juste devant moi, par le soupir libérateur tellement sincère et incontrôlé d’une spectatrice lassée par tant de fadeur.
Au milieu de la pièce, ça s’énerve un peu. Enfin ! Quelques applaudissements. Délivrance du public qui se dit qu’il va se passer quelque chose ? Les situations deviennent critiques…. Mais toujours servies avec la même platitude dans le jeu. Aucune évolution, aucun changement… Et d’engourdie, je deviens en colère. Non, on ne peut pas traiter du suicide, de l’hospitalisation sous contrainte de manière aussi superficielle ! Le sujet est trop complexe pour être abordé de manière aussi simpliste. La réalité est bien plus violente et aurait mérité de s’y attarder un peu, d’être plus creusée. À quoi sert le théâtre s’il affadit la réalité ? Ce n’est pas à coup de tête d’affiche, de thème-choc et de scénario bien mené que l’on aborde un tel sujet. Mieux vaut, alors, s’en dispenser.
Marie Velter