ENTRETIEN : Laetitia Mazzoleni, directrice du nouveau « Théâtre Transversal » à Avignon.
Les théâtres fleurissent surtout l’été à Avignon mais c’est cette fois un nouveau théâtre permanent qui voit le jour intra-muros sous le nom de « Théâtre Transversal », anciennement dénommé « Les ateliers d’Amphoux » et racheté cet été par la jeune metteuse en scène et comédienne avignonnaise Laetitia Mazzoleni. Un changement de nom souhaité par la nouvelle direction afin de marquer une nouvelle identité, tant par rapport au lieu avec des salles où l’on peut déambuler que par une volonté artistique de transversalité des disciplines proposées. Mais la directrice, pour qui ce changement de nom ne signifie pas pour autant oubli du public, souhaite aussi une certaine continuité en continuant à accueillir les troupes se produisant depuis de nombreuses années dans ce lieu. « Nous souhaitons bien évidemment ne pas oublier le public historique et les troupes associées à ce lieu mais proposer aussi plus de transversalité dans la programmation en accueillant des spectacles autour du texte, de la danse, de la vidéo et de la lumière ».
Laetitia Mazzoleni n’est pas une én-ième nouvelle venue dans le paysage théâtral puisqu’après un cursus au conservatoire d’Avignon puis en Angleterre, elle se produit à partir des années 2000 dans différents spectacles et fonde dès 2006 sa compagnie « On n’est pas là pour se faire engueuler ». Déjà très axée vers la scène contemporaine c’est tout naturellement mais sans un certain culot que Laeititia Mazzoleni rachète l’ex théâtre « Les ateliers d’Amphoux » pour en faire ce nouveau lieu de culture proposant des spectacles. « Je connaissais personnellement les anciens propriétaires qui souhaitaient passer à autre chose mais qui désiraient, par respect pour ce lieu, choisir un successeur pour qui acheter un théâtre ne soit pas un business mais avant tout une envie, et l’envie était là. Cela a été pour moi comme une évidence quand ils sont venus vers moi pour ce projet. Et voilà ! nous avons déjà deux belles salles de 42 et 49 places afin d’accueillir toute l’année le public avignonnais, une troisième petite salle voutée sera utilisée pour quelques évènements particuliers ou pour les spectacles pour enfants. Dans un premier temps nous exploiterons surtout la salle principale mais nous espérons à terme pourvoir exploiter toute l’année ces deux salles ».
Pour cette aventure la directrice s’est entourée de Sébastien Piron à la direction technique. « Je suis en charge de la direction du Théâtre et de la direction artistique et Sébastien est notre régisseur depuis de nombreuses années. Mais Sébastien est aussi quelqu’un avec de nombreuses compétences et une formidable fibre artistique, c’était donc pour moi la personne idéale pour ce projet. Hors festival je monte les spectacles en coréalisation mais n’ayant aucune subvention ce sera la culture qui financera la culture en louant mes salles pour le festival. Je n’exclue pas d’acheter certains spectacles tout au long de l’année comme par exemple le spectacle de Guillaume Sarrouy qui a su comprendre mes besoins et mes contraintes budgétaires, même dans le cadre d’une carte blanche ».
Les besoins des travaux contraignent la direction à scinder en deux la programmation 2017/2018 avec une première partie consacrée à une carte blanche donnée donc à Guillaume Sarrouy sous la forme d’une exposition numérique autour de la lumière. Profitant pleinement de sa liberté, l’artiste concepteur a décidé d’inviter pour l’occasion d’autres artistes et d’autres formes de création.
Suivra la création maison « Mu » sous la direction de Laetitia Mazzoleni et un texte de Fabrice Melquiot « Un texte que l’auteur Fabrice Melquiot m’a fait l’honneur et l’immense joie de m’offrir pour ce seul en scène, une histoire d’errance d’un homme dans un bois, une adresse directe au public qui expose tout le désarroi qu’il a en lui face à l’absence d’une femme, un magnifique texte qui ne répond pas aux questions mais qui nous montre un être déchiré sous une forme très poétique et magnifiquement mélodieux comme d’ailleurs la plupart de textes de Fabrice Melquiot ».
Le théâtre proposera ensuite « Kaimera », un conte pour enfants puisqu’il semble que la direction du théâtre veuille présenter des pièces tournées vers les plus jeunes. « Kaimera est donné par une toute jeune compagnie avignonnaise qui a énormément de talents et qui propose un spectacle de marionnettes qui a déjà été joué au Ring. Cette jeune troupe à un talent absolument ahurissant et parvient à proposer ce spectacle pour enfants qui peut donner lieu à plusieurs niveaux de lecture et donc toucher un public très large. L’ensemble du spectacle est très travaillé avec de magnifiques marionnettes créées tout spécialement par la troupe, des lumières d’une poésie certaine et une bande son composée elle aussi pour le spectacle ».
Notons également que l’on peut retrouver la metteuse en scène qui présente aussi un spectacle au Chêne Noir. « L’enfermement était l’une de mes craintes quand j’ai acquis ce lieu, je ne souhaitais pas créer uniquement ici même si c’est très confortable. Jouer le Spleen au Chêne Noir me permet de travailler ailleurs, de faire d’autres belles rencontres, d’ouvrir les portes et de tenter de créer des ponts entre les lieux de création d’Avignon. Je n’avais pas rencontré Gérard Gelas hors lors de quelques manifestations officielles et j’ai souhaité lui proposer cette rencontre. Gérard m’a alors très rapidement donné son accord de principe sur mon projet et la suite s’est faite tout naturellement ».
En février l’ouverture officielle de la seconde partie de saison se fera sous la forme d’une invitation d’artistes qui présenteront durant un week-end des performances artistiques aux spectateurs. « Je tenais à offrir aux avignonnais ce week-end de spectacle afin de leur faire découvrir ce nouveau lieu, tous les spectacles seront donc gratuits durant ce week-end ».
Le mois de mars sera consacré à la danse avec trois compagnies qui viendront un week-end avec comme seule contrainte celle de présenter un solo. « Je souhaite proposer chaque année des moments particuliers de théâtre que j’appelle des instants, comme par exemple le travail de Guillaume Sarrouy qui s’inscrit dans un instant creatuare 2.0 qui est un temps fort sur la création numérique. Donc chaque année au mois d’octobre il y aura une carte blanche à un artiste du numérique au sens large, un instant en attendant Noël au mois de Décembre, un instant autour de la musique en janvier, malheureusement pas cette année pour cause de travaux, et enfin un dernier au mois de mars autour de la danse. Quatre instants et des rencontres régulières entre des formes artistiques et le public. Ce nouveau lieu proposera, comme maintenant nombre de théâtre, ses propres ateliers pour enfants adultes et adolescents dans la continuité des ateliers que la compagnie a toujours proposés ».
Rendez-vous dès cette fin d’année dans ce lieu pour fêter la naissance d’un nouveau venu dans le monde théâtral d’Avignon en espérant que le public suive et épaule cette jeune créatrice, son équipe et les artistes associés.
Propos recueillis par Pierre Salles
« Théâtre Transversal » – 10 rue d’Amphoux – 84000 Avignon